Suppression taxe d’habitation: quels changements?

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  • 30 novembre 2017

Le président évoque désormais « une refonte en profondeur de la fiscalité locale » à partir de 2020. Deux grands axes se dégagent.

« La taxe d’habitation n’est que le premier acte, nous devons aller plus loin », vient d’affirmer Emmanuel Macron devant les maires de France réunis pour leur 100e congrès. Sans confirmer explicitement la suppression complète de cet impôt, une perspective qu’il avait déjà évoquée devant les élus l’été dernier, il a annoncé « une refonte en profondeur de la fiscalité locale » à partir de 2020, date à laquelle 80% des foyers qui payent cet impôt en seront exemptés, conformément à son engagement de campagne.

Fuite en avant, ou projet ambitieux et réfléchi? Emmanuel Macron est coincé entre les maires, qui contestent cette mesure, et les contribuables, qui comptent sur elle. Si le mode de calcul de la taxe d’habitation est jugé injuste, car il pèse particulièrement lourd dans le budget des classes moyennes, son produit reste vital pour les communes.

Facture d’une suppression totale de la taxe d’habitation : 18 milliards

Le gouvernement s’est engagé à compenser leur perte de revenus. Il s’agit de trouver 3 milliards en 2018, 6,6 milliards en 2019, et 10,1 milliards en 2020. Mais la taxe d’habitation a rapporté 21,8 milliards aux communes en 2016, selon les chiffres de l’Observatoire des finances locales. C’est à dire que les 20% de contribuables toujours assujettis en 2020 assureront à eux seuls presque la moitié de la recette.

« En cas de suppression totale, il faudra trouver 18 milliards pour compenser », détaille pour L’Express le consultant Michel Klopfer, spécialiste des finances locales, « car l’Etat paye déjà une partie de la taxe sous forme de dégrèvements ». L’Etat devra donc trouver 8 milliards de plus que ce qui a déjà été promis pour que les contribuables puissent dire adieu à cet impôt. Les 10 milliards à trouver d’ici 2020 seront financés par des économies de l’Etat, a rappelé Emmanuel Macron. « On peut baisser des impôts en faisant des économies », a-t-il assuré. Une stratégie qui risque tout de même de trouver ses limites.

Vers un nouvel impôt local plus « moderne »?

Chargés depuis début octobre par le Premier ministre de réfléchir à ce scénario de suppression totale, le sénateur LREM Alain Richard et le haut fonctionnaire Dominique Bur doivent rendre courant 2018 leur rapport de « révision d’ensemble de la fiscalité locale », selon leur lettre de mission. Interviewé par Le Monde, Alain Richard évoque la piste de l’impôt sur le revenu, dont une part pourrait être versée aux communes. « Des tabous sont tombés avec l’allocation d’une part de TVA aux régions décidée par Manuel Valls », commente Michel Klopfer, « on parle aussi d’attribuer une part de CSG aux départements. » Ce jeudi, Emmanuel Macron n’a pas évoqué cette piste, mais il a appelé à s’inspirer de « la dynamique » qui a permis de reverser de la TVA aux régions.

A Bercy, on évoque plutôt le projet de réviser les valeurs locatives, qui servent au calcul de la taxe d’habitation comme de la taxe foncière, mais qui n’ont pas été mises à jour en fonction de la richesse de chaque commune depuis 1970. Un « impôt local moderne » viendrait ainsi remplacer le système actuel.

« Il serait cohérent de créer un nouvel impôt local », estime pour L’Express le député LR Julien Aubert, membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale, « mais il risque de poser problème aux contribuables qui n’auront plus de taxe d’habitation à payer en 2020, car ils pourraient se trouver à nouveau assujettis dans le nouveau système ». On peut supposer en effet que depuis cinquante ans, les valeurs locatives ont sévèrement grimpé dans la plupart des communes françaises.

A moins d’augmenter l’impôt sur le revenu

« Je plaide pour un autre impôt local », déclare également à L’Express le sénateur LR Philippe Dallier, membre de la commission des finances de la Haute Assemblée. « Il faut conserver le lien entre le contribuable et la commune qu’il habite. » Avec d’autres sénateurs, il est prêt à contester devant le Conseil constitutionnel la mesure de dégrèvement pour 80% des foyers si elle est adoptée. « Evidemment, si Emmanuel Macron se décide à supprimer la taxe d’habitation, notre initiative n’aura plus lieu d’être », reconnaît-il, « mais pourquoi conserver la taxe foncière, qui est calculée à partir des mêmes valeurs locatives périmées? »

Quant à la piste de l’impôt sur le revenu, elle pourrait poser un problème majeur. « Je n’y suis pas défavorable, mais il y aura une équation budgétaire à résoudre », souligne Philippe Dallier, « difficile d’imaginer qu’une quote-part de cet impôt aille aux communes sans le faire augmenter d’autant. » A moins, là encore, de réaliser les économies suffisantes sur les dépenses de l’Etat.

 

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