Alors que le projet de loi sur le Logement (ELAN) est examiné à compter de mardi au Sénat, Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du Management des Services Immobiliers, se félicite de l’introduction d’une série d’amendements visant à empêcher le gouvernement à réformer le droit de la copropriété par ordonnances.
Il est aussi question de permettre à un copropriétaire de donner pouvoir pour le contrôle des comptes, de limiter à trois le nombre de pouvoirs de vote en assemblée générale et de permettre le vote électronique, d’assujettir à la seule majorité de l’article 25 le vote de tous les travaux d’économie d’énergie et de permettre et enfin de fixer à 5 ans, quelle qu’en soit l’origine, la durée de prescription de l’action d’un copropriétaire contre la copropriété et de limiter le périmètre des actions pouvant être engagées.
Quid du projet de codifier le droit de la copropriété ou encore de l’introduction des principes du droit des sociétés dans le droit de la copropriété, avec par exemple l’évolution rampante du conseil syndical vers un conseil d’administration ? Le Sénat note que le gouvernement a disposé d’un an pour consulter et proposer par voie législative des modifications profondes et qu’il a préféré s’arroger la faculté de travailler sans avoir à rendre des comptes au Parlement. Que l’exécutif œuvre donc à une modernisation du droit des copropriétés et la soumette aux élus du peuple dans les 18 mois qu’il demandait pour pouvoir prendre des ordonnances. Des voies professionnelles s’étaient élevées dans ce sens, dont celle de l’auteur de ces lignes, et il semble qu’elles aient été entendues. On remet l’église au milieu du village, on rappelle la Constitution.
Au passage, plusieurs enseignements apparaissent. D’abord un groupe de travail comme le GRECO, qui n’est soumis à aucune pesanteur interne, agile, présentant l’image de la compétence par sa composition, peut avoir plus d’impact a priori auprès du gouvernement actuel que les organisations professionnelles, pour légitimes qu’elles soient. Il faut analyser ce point crucial. On note ainsi dans le rapport du Sénat trop peu de références aux travaux des syndicats constitués et même, au moment de parler des augmentations tendancielles des charges d’énergie, c’est l’ARC (Association des responsables de copropriété) et son observatoire qui sont invoqués… Rien ne va plus. On entend qu’un leader de la gestion des copropriétés en France, préparerait son argus des charges : cet outil est essentiel.
On note aussi que les parlementaires ne se paient pas de mots et qu’il n’a pas suffi au gouvernement de rédiger dans son étude d’impact du projet de loi ELAN une quinzaine de pages sur la copropriété pour emporter l’affaire : comme dans les syllogismes, si les prémisses sont fausses, le reste ne tient pas. En clair, l’affirmation qu’il fallait réformer par ordonnance, non démontrée, n’est pas passée et donc tout le reste tombe et c’est par voie parlementaire qu’on avancera.
On note enfin que l’urgence est mauvaise conseillère : la copropriété ne va pas tellement mal qu’il faille sans patience tout y changer. A cet égard, la communauté des syndics s’est piégée : a-t-elle tenu un colloque, un congrès sans qu’on y ait entendu la phrase définitive « La copropriété n’est plus gérable. il faut en revoir les règles. » ou encore « Les copropriétaires ne veulent pas voter de travaux, il faut bouleverser le système. » Oui, il y a des blocages, avec lesquels les syndics les plus efficaces parviennent néanmoins à faire, mais ce grand édifice démocratique ne saurait être remué sans dommage dans la précipitation. D’autant que le même projet de loi ELAN propose de conférer au futur Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière pouvoir d’éclairer le gouvernement et le Parlement sur les questions de copropriété, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
En somme, une sorte de Parlement de la copropriété verrait le jour, qui éviterait au gouvernement des faux pas dans son élan réformiste.