Un des nombreux décrets de la loi ALUR, non encore publié, concerne l’immatriculation des copropriétés au sein d’un registre national. Comme Madame la Ministre Emmanuelle Cosse s’y est engagée, tous les décrets seront publiés d’ici la fin de la mandature. Celui-ci est en passe de l’être, mais que va t’il apporter au quotidien des 8 millions de copropriétaires ?
En premier lieu, le décret va imposer un véritable recensement des copropriétés puisque toutes les copropriétés seront concernées avec des dates d’immatriculation obligatoires différentes suivants le nombre de lots :
- Au 31 décembre 2016 pour les copropriétés de plus de 200 lots ;
- Au 31 décembre 2017 pour les copropriétés de plus de 50 lots à 200 lots ;
- Au 31 décembre 2018 pour les copropriétés jusqu’à 50 lots.
Précisons que les syndicats créés après le 31 décembre 2016, quelque soit leur nombre de lots, devront faire l’objet de cette immatriculation.
Le deuxième intérêt est celui clairement souhaité par la loi ALUR, soit de permettre une élaboration des politiques publiques en matière de copropriété et de détecter les copropriétés en difficulté.
L’article L711-2 du code de la construction et de l’habitation donne la nature des informations qui devront y figurer, et notamment celles relatives à l’existence d’un arrêté ou d’une injonction prise en matière de sécurité ou de salubrité des immeubles, ou encore d’un plan de sauvegarde ou d’une administration provisoire de la copropriété.
Mais l’information importante pour les intéressés (copropriétaires, fournisseurs de la copropriété, futur acquéreur…) sera celle relative aux données financières de la copropriété.
Cette mesure rapproche la copropriété de la société commerciale, elle-même astreinte à des mesures de publicité annuelle. Ainsi, dans l’attente de ce décret, la question de la régularité, de la sincérité et de l’image fidèle des comptes publiés de copropriété se pose !
Et à partir du moment où l’information financière est publiée, qui sera le garant de son exactitude, de son exhaustivité, afin de permettre à un fournisseur de s’engager vis-à-vis de l’immeuble ou à un tiers éventuel d’investir ?
Il est certain qu’en restreignant l’accès à ce registre, cela permettrait de résoudre une partie de cette question, mais, dans ce cas, quel est l’intérêt de publier des comptes s’ils ne sont pas accessibles au plus grand nombre à l’instar des sociétés commerciales ?
En tout état de cause, comme plus de 70% des entreprises françaises, il conviendrait que les copropriétés bénéficient également des services d’un expert comptable, ne serait-ce que pour garantir la qualité de l’information financière qui figurera au registre national chaque année à l’issue de l’exercice comptable.
Cela permettrait de rendre plus systématique les détections des copropriétés « fragiles » dont les procédures d’alertes créées par la loi du 25 mars 2009 n’ont été que très peu mises en œuvre, à tel point que le seuil de 25% d’impayés à la date de clôture a été abaissé par la loi ALUR à 15% pour les copropriétés de plus de 200 lots. En effet, les syndics de copropriété ne sont pas forcément familiarisés avec ce type de procédure, voire parfois opposés du fait du manque à gagner commercial puisque ces procédures peuvent aboutir à la nomination d’un mandataire ad-hoc ou d’un administrateur provisoire lorsque la situation est vraiment dégradée. Sur ce dernier point, la loi ALUR va assez loin avec son nouvel article 29-1 qui transpose une sorte de « droit des procédures collectives » au sein des copropriétés pour permettre leur redressement.
Ainsi, l’analyse des états financiers par un expert comptable, professionnel indépendant, renforcerait la transparence financière des copropriétés, non seulement vis-à-vis des copropriétaires mais également vis-à-vis des tiers intervenant au sein de la copropriété et fiabiliserait l’information financière rendue publique.
Attendons donc de découvrir le décret d’application, qui, je l’espère, ne sera pas aussi décevant que certains précédents, surtout s’il ne va pas dans le sens d’une meilleure information et transparence financière, sans pour autant trop compliquer le quotidien des professionnels de l’immobilier…